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Jean-Pierre Bosino

Le maire qui refuse l’augmentation des tarifs d’électricité

par Philippe Allienne
Publié le 2 septembre 2022 à 18:39

Après les déclarations du maire communiste de Montataire (Oise), la Première ministre Elisabeth Borne a réagi ce jeudi matin (1er septembre) sur France Inter. La meilleure solution pour un élu, a-t-elle dit en substance, n’est pas de refuser de payer ses factures. Sauf qu’ici, les chèques de l’État s’avèrent très insuffisants et que les élus doivent penser aux intérêts de leurs administrés. Explications de Jean-Pierre Bosino.

Comment avez-vous pris la décision d’annoncer que vous ne paierez pas les factures d’électricité de la ville de Montataire en cas de grosse augmentation ?

Vendredi dernier (26 août), le directeur des services techniques de la Ville m’annonce que notre facture d’électricité dont le contrat se termine à la fin de cette année 2022 allait passer à 2,5 millions d’euros. Or, lorsque nous avions négocié ce contrat, il y a un peu plus de deux ans, le coût à l’année était de 600 000 euros, soit 87 euros le mégawatt. C’est intolérable. On ne peut pas inscrire 1,9 million d’euros supplémentaires dans notre budget. Nous ne pouvons le faire sans remettre en cause d’autres services, d’autres dépenses. J’ai donc pris la décision de publier ce communiqué pour dire que si rien n’était fait et que l’on serait amené à devoir signer un contrat à cette hauteur, on ne paierait pas les factures.

Qui est votre interlocuteur ?

Comme tout le monde, nous avons un fournisseur d’énergie. Notre particularité est que nous avons une régie communale d’électricité. Mais en fait, tout bascule avec la loi Nome (Nouvelle organisation du marché de l’électricité votée en 2011). Cette loi, voulue par Nicolas Sarkozy, ouvre l’ouverture à la concurrence et l’obligation faite à EDF de revendre de l’électricité à ses concurrents. Et au fil des années, les clients d’EDF ont été amenés à devoir aller sur le marché. Cela a commencé avec les grandes entreprises, puis les grandes surfaces commerciales, les petits commerçants, les artisans. Aujourd’hui, ne restent qu’au tarif régulier la grande majorité de nos concitoyens. Pour les communes qui emploient plus de 10 agents et qui ont un budget de plus de 2 millions d’euros, sont obligées de passer par des marchés, donc sur les tarifs dérégulés de l’électricité. Tout cela s’est mis en place il y a cinq ou six ans. Or, dans les premiers marchés que nous avons passés, c’était avec des tarifs qui étaient encore quasiment régulés. Il y a un peu plus de deux ans, nous avons passé un marché à 87 euros le mégawatt. Aujourd’hui, le mégawatt peut monter à 800, voire 1000 euros par effet de spéculation. C’est ce qui explique que notre facture pourrait passer de 600 000 à 2,5 millions d’euros.

Concrètement, comment cette augmentation vous a-t-elle été présentée ?

Cela ne nous est pas présenté ! C’est le marché, puisque nous sommes obligés de faire un appel d’offres pour qu’un fournisseur d’électricité nous fournisse de l’électricité achetée sur le marché, au cours du marché actuel, c’est-à-dire entre 500 et 1000 euros. Cela bouge en permanence. Donc, moi je dis : on ne paiera pas. Ce qu’on réclame c’est que les communes puissent revenir au tarif régulé.

Expliquez-nous comment cela se passait avant cette loi du marché.

Nous achetions notre électricité à la régie communale d’électricité qui, elle, l’achetait à EDF.

Vous venez donc d’entamer un bras de fer ?

Nous n’avons pas d’autre choix que d’engager ce bras de fer parce que trouver 1,9 million d’euros d’économie pour une ville comme la nôtre c’est impossible. Toute cette histoire qui consiste à éteindre l’éclairage la nuit, etc., on n’a pas attendu Macron et Borne. Voilà dix ans que nous installons des éclairages avec une baisse d’intensité la nuit qui ne coupe pas l’éclairage complètement, mais qui nous permet de réaliser une économie de 30% environ. De toute façon, nous n’éteindrons pas l’éclairage la nuit. Les gens n’y sont pas favorables pour des questions de sécurité. Et puis, même si nous le faisions, cela ne ferait pas 1,9 million d’euros d’économie sur le budget. Et comme nous ne pouvons pas non plus trouver 1,9 million de recettes sauf à augmenter les impôts de 40%, et comme le gouvernement continue à taper dans les dotations, la seule solution qui reste est de ne pas payer les factures.

Le fournisseur a réagi face à votre décision ?

Non. Mais pour nous, c’est particulier. Notre fournisseur est Energène, un organisme qui s’est créé au moment de l’ouverture du marché sous la houlette d’une des plus grosses régies d’électricité de France. Les régies, dont la nôtre, se sont regroupées avec l’aide de la fédération des collectivités concédantes pour créer un organisme, Energène, pour acheter de l’électricité et ne pas être dépendant de groupes comme Total Energie, Engie, Enedis, etc. Mais Energène achète son électricité sur le marché comme tout le monde. Energène livre de l’énergie pour notre ville par le biais de notre régie communale, puisque c’est cette dernière qui distribue. Donc, s’il devait y avoir coupure d’électricité, ce serait la régie communale qui devrait couper. Évidemment, elle ne le fera pas !

Qu’en pensent les habitants de Montataire ?

Il y a de l’inquiétude, d’autant que les médias suscitent de l’inquiétude. D’autant que j’ai expliqué à ces médias que s’il fallait payer une facture comme celle-là, il faudrait fermer la restauration scolaire, le centre de loisirs, les bibliothèques, etc. Mais j’ai aussitôt précisé que ce n’est pas ce que l’on veut faire parce que les habitants ont besoin de leurs services municipaux tous les jours. Mais en écoutant la radio, les gens s’inquiètent d’autant qu’ils s’inquiètent aussi pour leurs propres factures. Pour eux, le tarif régulé a déjà pris 4% en 2022 et on ne sait trop ce qui va se passer en 2023. Il n’empêche que le coup de gueule que vous avez poussé a eu une forte audience chez les médias. Cela sert votre cause ?

Il y a des maires qui se disent qu’il faut bouger. Nous réfléchissons à un texte qui pourrait circuler. Pourquoi pas une pétition qui serait présentée à la Fête de l’Humanité. Et pourquoi pas un texte transpartisan, puisque cela concerne de très nombreuses communes.